La blockchain dans l’immobilier

La blockchain est le nouveau buzzword dans le monde des technologies. Dans l’ombre du bitcoin et des cryptomonnaies, les initiatives autour de la blockchain se multiplient. S’imposant comme la solution d’avenir pour faciliter les transactions et l’enregistrement des données numériques, elle s’étend à de nombreux secteurs de l’économie, dont l’immobilier. Preuve en est, la Real Estate Blockchain Expo 2018 s’est tenue les 19, 20 et 21 septembre derniers à Séoul en Corée du Sud. Les visiteurs ont pu découvrir les technologies blockchain les plus avancées pour une utilisation dans le secteur immobilier. De nombreux acteurs, entreprises privées comme institutionnels, ont déjà développé des projets autour de la blockchain. Lumière sur ces derniers et sur les applications dans l’immobilier.

 

Une technologie pour trois utilisations

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations. Elle prend la forme d’un registre digital contenant l’historique de toutes les transactions entre ses utilisateurs. La caractéristique de cette base de données est d’être partagée et décentralisée, d’où le terme de registre distribué (« Distributed Ledger Technology » en Anglais – DLT). En d’autres termes, plutôt que d’être stockée sur un seul serveur central, chaque ordinateur connecté au réseau blockchain (appelé nœud) en possède un exemplaire, mis à jour en temps réel, après que chaque nouvelle transaction ait été validée indépendamment. Concrètement, les transactions effectuées sont regroupées par bloc, lié au précédent par un code, une signature cryptographique numérique intégrant l’empreinte du bloc précédent (appelée « hash »), formant ainsi une chaîne de blocs : la blockchain. Toute mise à jour des données se répercute alors sur l’ensemble du réseau de sorte que chaque utilisateur possède en permanence la dernière version du registre. Ainsi, toutes les transactions sont transparentes, visibles de toutes et tous, et enregistrées de manière immuable. Il n’est plus possible d’altérer une transaction à partir du moment où elle est validée et ajoutée à la blockchain, ce qui garantit un certain niveau de sécurité.

Cette technologie permet de réaliser des transferts d’actifs (cryptomonnaies, titres, actions…) sans intervention d’une autorité centrale ainsi que des levées de fonds via des « initial coin offering » (ICOs). Derrière ce terme archaïque, se cachent des mécanismes d’investissement collectif, proche du crowdfunding, utilisés fréquemment pour le financement de startup. Ceux-ci sont basés sur la création et vente de monnaies digitales ou de « utility tokens », des actifs numériques interchangeables et globalement peu régulés. Enfin, la blockchain permet d’exécuter automatiquement des registres de transactions, dits « smart contracts », sans interventions d’un tiers.

Et dans l’immobilier alors, quelle utilité ?

Avec les innovations technologiques et la croissance de l’open data, le marché de l’immobilier devient de plus en plus transparent. L’asymétrie de l’information reste toutefois une caractéristique majeure du secteur et celle-ci a un coût :  fraudes, longs travaux de recherche et vérification. Dans ce contexte, la blockchain se profile comme une innovation de taille offrant de nombreux avantages. Elle permet d’améliorer l’efficacité et la transparence des opérations immobilières, de réduire les intermédiaires et de diminuer les coûts de transaction.

Registre foncier

Avec la blockchain, l’historique de chaque propriété est accessible par tous. Un atout majeur pour l’enregistrement des propriétaires, droits et documents. A terme, cette technologie pourrait remplacer le cadastre et autres formes de registre foncier. Ceci, sans compromettre la sécurité, l’information ne pouvant être altérée, puisqu’elle est immuable une fois dans le registre distribué.

Reprenant cette base de sécurité, le bureau national suédois en charge des terrains et de l’immobilier – Landmäteriet – a basculé sur des registres distribués, permettant à chaque nouvelle entrée, validée par toutes les parties prenantes, de figurer sur un fichier commun décentralisé.

Notariat

L’intégration des registres distribués offre aussi aux acteurs du marché un accès sans limitation de durée aux informations relatives aux propriétés. Même si la validation de ces données requiert l’autorisation de plusieurs acteurs, le processus se simplifie pour l’acheteur et le vendeur qui réduisent par la suite à 0 le nombre d’intermédiaires. Ainsi à terme, la blockchain pourrait se substituer aux actes notariés pour enregistrer et valider des transactions immobilières. Si ces transactions étaient autorisées par les lois nationales, elles pourraient être validées et sécurisées par le réseau, sans intervention d’un notaire.

Levée de fond

A terme, les ICOs pourraient permettre le développement d’investissements et de portefeuilles immobiliers hors des circuits existants. Sur la base des tokens, la levée de fond pourraient être facilitée, tout comme les transactions entre investisseurs. Des actifs, tels que des biens immobiliers, deviendraient également plus liquides et faciles à vendre. Cependant, ce modèle n’est pas directement généralisable à l’investissement l’immobilier, car les investisseurs détenteurs de cryptomonnaies ne disposent d’aucuns droits vis-à-vis des émetteurs. Cette limitation a favorisé l’émergence récente d’un nouveau modèle de levée de fonds : les Security Token Offerings («STOs»), basé sur l’émission régulée de « security tokens », qu’on peut traduire par « jetons de valeurs mobilières ». En d’autres termes, n’importe quel titre pouvant être acheté ou vendu en bourse mais dont la propriété est matérialisée par un « token » sur la blockchain. La Suisse, entre autres pays, est particulièrement favorable à l’émission de ce type d’instruments, du fait du support de la FINMA.

Sur la base des « security tokens », la start-up genevoise Tokenestate, a mis au point une plate-forme permettant aux privées et institutionnels d’investir dans des fonds immobiliers au moyen d’un smartphone sans montant minimum d’investissement et en supportant des frais bien inférieur à ce qui se fait actuellement. Quant aux gestionnaires d’actifs immobiliers, ils ont accès à un autre moyen de lever des fonds et d’élargir leur base d’investisseurs suisses et à l’international.

Transactions

D’autres acteurs s’allient aux cryptomonnaies afin de révolutionner le marché des transactions immobilières. C’est le cas de l’entreprise Propy, qui s’est d’ailleurs autofinancée grâce aux ICOs. Celle-ci souhaite faciliter l’acquisition de biens depuis l’étranger en s’appuyant sur la blockchain et les smart contracts. Elle a créé sa propre crypto-monnaie, un actif numérique basée sur Ethereum, lancé après une levée de fonds de 15 millions de dollars. La première transaction immobilière au monde basée entièrement sur des blockchains a ainsi pu être effectuée en septembre 2017 : un appartement en Ukraine acheté par Michael Arrington, co-fondateur du site TechCrunch. Ce dernier n’a même pas eu besoin de se rendre sur place, toute la transaction ayant été gérée grâce à la blockchain, de la transmission à la signature des contrats. Depuis, la startup alimente sa plateforme d’immobilier “peer-to-peer” qui diffuse des annonces relatives à des appartements et des maisons à San Francisco, Dubaï ou Pékin, entre autres tous achetables via une appli mobile.

Gestion immobilière

Du côté de la location et de l’administration, la blockchain et les smart contracts offrent une opportunité de faciliter la conclusion de contrats et facilitent le bon déroulement des transactions entre locataires et propriétaires. Un bail, ses conditions et les modalités de paiement pourraient ainsi être consignés via la blockchain.

En cas d’incident dans un appartement par exemple, le contrat prévoirait déjà la charge de la réparation. L’entrepreneur prévenu viendrait faire les réparations et le montant lui serait directement versé. De même, si un locataire détériore un bien, l’argent de la réparation lui sera directement prélevé. Ce même schéma est envisageable dans la réservation d’une location saisonnière.

Perspectives de la blockchain

Les marchés de l’immobilier et de la construction continuent à se renouveler avec l’intégration de la technologie blockchain dans leurs processus. George Kachmazov, fondateur de l’agence immobilière internationale Tranio, indiquait déjà il y a trois ans : « Les technologies à base de registres distribués seraient utiles pour quasiment tous les types d’activités liées à l’immobilier, y compris les transferts de fonds et la finalisation des accords commerciaux ». Le constat est que les technologies sont déjà là et les applications se démocratisent de plus en plus.  Seuls les retours d’expérience pourront dire à quel point la blockchain aura un rôle à jouer dans cette révolution digitale que connaît l’immobilier. Dans tous les cas, il est fort à parier que les acteurs immobiliers estampillés “blockchain” feront de cette dernière leur valeur ajoutée.

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