Le secteur du bâtiment, plus gros consommateur d’énergie en Suisse, émet une grande quantité de CO2. Quiconque construit aujourd’hui ne peut donc se contenter d’isoler un peu mieux pour améliorer l’isolation de son bien immobilier. L’architecture durable aborde la question de la consommation énergétique d’un bâtiment de façon globale. Tour d’horizon des possibilités offertes en la matière en compagnie de Didier Castelli, Directeur de Swissroc Architecture SA.
Projet Collonges Bellerive (garages privés sur lift pour diminuer les terrassements et augmenter les surfaces en pleine terre) © size.swiss
Qu’est-ce que la philosophie de l’architecture durable ?
La philosophie de l’architecture durable a pour objectif de réduire l’impact négatif d’un bâtiment sur son environnement et de prendre soin de la qualité de vie des utilisateurs et des communautés riveraines. Sa mise en œuvre se manifeste par un ensemble de choix. Tout d’abord, l’emplacement : nous privilégions la densification des villes et des zones péri-urbaines déjà occupées, avec des infrastructures proposant des transports propres et peu polluants. Puis d’autres critères techniques, de méthodes de gestion, ou de sélection des matériaux employés permettent de maîtriser la consommation d’énergie et l’aménagement du cadre de vie des utilisateurs. Par exemple, à Collonges Bellerive, nous avons créé des garages privés sur lift afin de diminuer les terrassements et augmenter les surfaces pleine terre. En règle générale, toutes nos constructions se voudront durables à l’avenir. En particulier en ne construisant plus que des projets labellisés Minergie ou THPE.
Cela ne coûte-il pas plus cher ?
Les coûts des produits et installations écologiques pour une architecture durable sont souvent supérieurs aux techniques classiques, mais les économies sur le long-terme permettent souvent de rentabiliser ces investissements. De plus, l’approche durable est fortement encouragée par les autorités grâce à des subventions qui accélèrent la période d’amortissement de ces investissements pour stimuler la construction de bâtiments basse-consommation et améliorer le cadre de vie en commun.
Parmi les enjeux clés, la maîtrise de l’énergie. Quelle place tient l’isolation thermique ?
Une isolation efficace réduit la dissipation de chaleur en hiver et inversement, l’entrée de chaleur en été ; les besoins en énergie pour le chauffage ou la climatisation sont donc réduits d’autant. Autre point à considérer, l’orientation du bâtiment. La conception judicieuse d’un bâtiment en fonction des conditions du terrain (ensoleillement, l’arborisation d’une zone, surfaces exposées aux vents…) permet de maximiser les avantages déjà présents dans l’environnement et de minimiser les pertes d’énergies. La forme du bâtiment est également fondamentale. Un bâtiment présentant une surface extérieure étendue aura tendance à perdre plus de chaleur. Il faudra donc privilégier une forme plus compacte qui augmente le rapport entre le volume des espaces intérieurs et la surface exposée aux intempéries et limite donc les pertes calorifiques.
Projet à Gland (doubles pompes à chaleur et infiltration des eaux de pluie dans le terrain)
Qu’en est-il de la gestion de l’eau, de l’air et des déchets ?
C’est un poste ou de nombreux gaspis énergétiques peuvent être épargnés. L’énergie perdue lors de l’extraction de l’air vicié et des eaux usées peut être récupérée et réinjectée dans le bâtiment par des systèmes qui permettent de chauffer l’eau ou l’air propre, comme des échangeurs de chaleur. Des méthodes de tri et de compostage ou de méthanisation, par exemple, permettent aussi de recycler les déchets de matières organiques en fertilisants ou gaz naturels.
Projet à Épalinges (construction de 6 villas en structure bois préfabriquées labellisées “Minergie P”)
Aujourd’hui, les bâtiments peuvent-ils produire leur propre énergie ?
L’utilisation de panneaux solaires photovoltaïques, voire de cellules photovoltaïques directement intégrées dans les surfaces exposées au soleil est un bon moyen de produire de l’électricité. Des capteurs solaires peuvent également être installés pour produire de l’eau chaude à faible coût. L’orientation des pans de toits où seront installés ces équipements est alors importante pour maximiser la captation des rayons solaires. Par ailleurs, certains bâtiments offrent aussi la possibilité d’être équipés d’éoliennes domestiques, mais leur rendement est souvent faible.
Projet à Lutry (construction intégrée dans le terrain et matériaux durables)
En matière de matériaux, quels sont les choix possibles ?
Le choix des matériaux est un élément prépondérant pour le respect de l’environnement et de la nature. Des matériaux durables comme le bois, la pierre, ou certains produits végétaux peuvent être utilisés en ossature, en parement ou pour la toiture du bâtiment. Par exemple, pour notre projet à Lutry, le bâtiment est intégré dans le terrain et la façade est faite de bois. À Épalinges, nous allons construire six villas en structure bois préfabriquées et labellisées Minergie P. Mais ce sont principalement dans l’isolation que des matériaux comme les fibres végétales, tissus ou matières plastiques recyclées, laine de verre, ouate de cellulose apportent une solution plus écologique que les matériaux synthétiques.
Découvrez notre vidéo “Les 5 matériaux du futur pour construire durable” : https://www.youtube.com/watch?v=1JCCZV8a6NA
Et que faire des bâtiments existants ?
D’importantes économies peuvent être réalisées par le réaménagement, le rehaussement ou la réutilisation de bâtiments existants. Plutôt que de systématiquement démolir pour reconstruire des bâtiments intégralement neufs, l’une des considérations premières de l’architecture durable est le souci de réhabilitation de l’architecture existante. Ainsi, même si des bâtiments existants ont besoin de rénovation ou de transformations lourdes, celles-ci peuvent fréquemment autoriser des économies importantes d’énergie, de matériaux et limiter les émissions polluantes, en plus des économies financières réalisées le plus souvent.